Les « transcendantaux» de la pensée de l’histoire: la confrontation de Paul Ricœur avec Reinhart Koselleck

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Le rapport entre Paul Ricœur et Reinhart Koselleck - l’historien allemand qui a le plus contribué à la grande entreprise des « Geschichtliche Grundbegriffe » - est un sujet controverse: certaines interprètes – comme par exemple François Dosse - ont insisté sur les multiples convergences entre la « sémantique conceptuelle » du temps historique pratiqué par Koselleck et l’herméneutique ricœurienne de la conscience historique, tandis que d’autres chercheurs ont tracé une sorte d’opposition entre la façon dont les deux auteurs conçoivent le temps historique, en prenant souvent partie pour l’un ou pour l’autre.

Les racines d’une telle controverse sont à retracer dans l’ambivalence de la position de Ricoeur, qui a été sans doute fortement marqué par les analyses koselleckiennes - et notamment par les écrits recueillis dans Futur passé - mais qui intègre et utilise les catégories koselleckiennes dans son propre cadre de pensée, en le soumettant ainsi à une torsion remarquable, implicite ou explicite.

Dans le but de mettre en relève et éclaircir cette complexité et ambiguité, notre contribution reconstruira les étapes fondamentales de la confrontation de Ricœur avec Koselleck, en focalisant l’attention sur deux problématiques distinctes, mais entremêlées: la question de la temporalité historique et le rapport entre herméneutique et « Historik », au sens de théorie des conditions transcendantales de l’histoire vécue et écrite.

Il s’agit des trois étapes, qui articulerons la structure de notre exposé:

-   dans la partie introductive on considérera les interventions de Ricœur et Koselleck aux Entretiens que Hans Georg Gadamer organise à Heidelberg en 1969 – en collaboration avec l’Institut International de Philosophie – autour du thème « Vérité et historicité »: ces entretiens peuvent être identifiées comme la circonstance dans laquelle a eu lieu la première rencontre entre Ricœur et  Koselleck  et  permettent  de  cerner,  à  l’état  germinal,  les  points  d’intersection  entre  les

trajectoires de pensée de deux auteurs, au sein d’une constellation commune, dont les pôles sont représentés par Karl Löwith, Heidegger et Gadamer.

-   dans la partie centrale on examinera soigneusement le dernier chapitre de Temps et récit, afin d’éclaircir le rôle du couple koselleckien « espace d’expérience - horizon d’attente » au sein de l’herméneutique ricoeurienne de la conscience historique, dont le pivot est notamment représenté par la notion gadamérienne de « wirkungsgeschichtliches Bewusststein »: l’enjeu est de comprendre la temporisation de l’histoire issue de ce rapprochement entre Koselleck et Gadamer

-   la partie conclusive sera consacrée à l’analyse de la confrontation de Ricoeur avec Koselleck dans la dernière partie de La Mémoire, l’Histoire et l’Oubli, autour du problème du rapport entre « théorie transcendantale de l’histoire » et herméneutique ontologique  aussi bien qu’autour de la possibilité d’une théorie de la modernité.